Sur les traces de mes ancêtres
Prudent Robichaud
Prudent est né vers 1669 à Port-Royal. Des quatre fils d’Étienne Robichaud et de Françoise Boudrot, Prudent devient l’ancêtre des Robichaud de Bas du Ruisseau Vacher de la Nouvelle-Acadie. Il épousa, en 1691, Henriette Petitpas, fille du greffier du tribunal de Port-Royal (Claude et Catherine Bugaret). Cette alliance rapprochait encore plus la famille Robichaud de celles des petits fonctionnaires français de Port-Royal.
Doué d’aptitudes administratives et entraîné par l’influence de son beau-père, Prudent Robichaud exerça des charges publiques en plusieurs circonstances et se fit défenseur émérite de l’élément français en Acadie. Inquiet des démarches du gouverneur Philips (1719-1722), il fut l’un des six députés que les habitants de «Rivière du Sud» déléguèrent à M. de Saint-Ovide pour protester que les Acadiens voulaient rester Français. Il fut également nommé syndic et président du conseil français à Port-Royal.
Voici un texte tiré du volume «Les stratégies de mobilité sociale des interprètes en Nouvelle-Écosse et à l’ile Royale, 1713 – 1758» par Isabelle Ringuet.
Quatre familles sont étudiées dans cette étude soit : les familles d’Entremont, Le Borgne de Bellisle, Petitpas et Robichaud et de l’importance de leur rôle d’interprète auprès des Anglais et des Amérindiens.
Je m’en tiendrai à la famille Robichaud.
Les trois premières familles sont étroitement liées au monde amérindien. En plus d’y avoir séjourné, d’avoir grandi à proximité d’un village amérindien, les hommes de ces familles ont souvent épousé des femmes amérindiennes. Les alliances matrimoniales entre ces familles sont très présentes. Elles sont aussi étroitement liées à une quatrième famille d’interprètes, les Robichaud.
Contrairement aux trois autres familles étudiées dans l’étude, la famille Robichaud n’a aucune personne d’origine amérindienne en son sein. Néanmoins, il, tout comme les autres interprètes, a grandi avec le monde amérindien.
Prudent marque très tôt sa volonté d’ascension sociale. Il utilise diverses méthodes, incluant les stratégies de progrès, pour se propulser au sommet de la hiérarchie acadienne. Il signe un serment d’allégeance en août 1695. Au cours de sa carrière, en plus d’être un interprète pour les Indiens, il a occupé plusieurs postes de confiance et d’influence au fil des ans, député britannique et collecteur d’impôts, marchand, collecteur de rentes, juge et Chef du Conseil français. Maurice Basque (ii) suggère même qu’il fut, sans conteste, le principal notable acadien de Port-Royal.
Ses relations commerciales étaient surtout concentrées sur la garnison du fort Annapolis Royal qu’il fournissait en bois de construction et en bois de chauffage une activité qui déplut à certains de ses compatriotes. Il était en quelque sorte un intermédiaire privilégié entre les habitants acadiens qui voulaient vendre leurs surplus agricoles et la garnison militaire qui en avait toujours de besoin.Grâce à son prestige, il est le porte-parole des Acadiens de Port-Royal. Lors du mariage de leur fils Louis en 1730, Prudent est chef du Conseil français d’Annapolis Royal et juge de paix. Prudent, jouis donc d’une grande confiance auprès des Acadiens, mais aussi du gouvernement anglais par sa connaissance de la langue.
II fait également faire à ses enfants d’avantageux mariages, qui consolident la position ascendante de la famille et lui permet de s’intégrer au milieu nobiliaire.
Prudent a eu douze enfants, dont cinq fils : Joseph, Prudent, Pierre, Louis et François et sept filles, Marie, Marguerite, Madeleine, Anne, Marie-Josèphe, Jeanne et Élisabeth.
La première de ses filles, Marie née en 1692 a épousé en deuxième mariage Jacques (Jean) Thériault, frère de Madeleine Thériault femme de François Robichaud. Quant à lui, l’aîné Joseph né en 1696 s’unit à Marie Forest. Marguerite, sa deuxième fille née en 1700 épouse le capitaine de navire Pierre Gourdeau dit Toc Pellerin. Jeanne née en 1713, entre dans la famille nombreuse des Landry par son mariage à Pierre, et François né en 1715, épouse Osite Leblanc.
Parmi les autres enfants, trois fils de Prudent et d’Henriette Petitpas ont contracté de belles alliances. Tout d’abord, une alliance est recherchée avec la famille «Bourgeois»
Prudent II né en 1696 (marchand, député des habitants d’Annapolis et interprète), Pierre et Louis épousent donc respectivement Françoise, Madeleine et Jeanne Bourgeois.
«Germain Bourgeois (père) était un homme bien en vue a Port-Royal. Il appartenait à l’une des familles “fondatrices” de l’Acadieson père, Jacques Bourgeois, et sa mère, Jesinne Trahan, avaient été présents en Acadie depuis les années 1640. La famille “Bourgeois” était liée par mariage à plusieurs familles de Port-Royal, Beaubassin et Grand-Pré. De plus, Germain Bourgeois, tout comme Pudent Robichaud père, était marchand à Port-Royal.»
Malgré ses nombreux services, Prudent père est arrêté et exilé avec d’autres en décembre 1755 quand il avait 86 ans et mort quelque part le long de la rivière Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, en fuyant avec d’autres par voie terrestre au Québec après avoir quitté le navire Pembroke qui les transportait en exil en Caroline du Nord.
Tous ses enfants furent aussi victimes de la déportation en 1755.
À cause de la déportation, les mariages des enfants de Prudent II né en 1696 sont peu connus. Toutefois, nous savons que Dominique né en 1723, épouse Marguerite Forest en 1744, que Marguerite née en 1725, s’allie à la puissante famille Amirault par son mariage à François.
Prudent II sera déporté au Massachusetts aux États-Unis. Après la période d’exil, plusieurs membres de sa famille se fixèrent à l’Assomption et à Saint-Jacques de la Nouvelle-Acadie. Les autres, dont Armand et Jean-Baptiste, nés de son second mariage à Cécile Dugas, se sont dirigés vers Baie Sainte-Marie en Ancienne Acadie.
Pierre épousa Madeleine Bourgeois en 1724. Il décéda à Port-Royal en 1749. Sa veuve et huit enfants furent déportés à Boston. Des membres de cette famille se sont établis à Deschambault et Yamachiche au Québec.
Louis épousa Jeanne Bourgeois en 1730. Ils furent déportés à Cambridge au Massachusetts. Au retour de l’exil, ils se fixèrent à Québec où il décéda en 1780.
La révolte du Pembrooke
Entre le 14 et le 17novembre 1755, les bateaux devant servir à la déportation des Français-neutres de la rivière Dauphin arrivèrent devant Annapolis Royal. Manquaient à ce rendez-vous le voilier Pembroke et ses provisions. Le Pembroke, qui avait perdu son mât principal cassé lors d’une tempête, atteignit Annapolis Royal qu’à la fin novembre.
Charles Belliveau reçut l’ordre de remplacer ce mât, ce qu’il fit. Lorsque l’ouvrage fut terminé, il demanda à être payé, ce qui provoqua un éclat de rire du capitaine. Charles Belliveau, ayant un tempérament à ne pas se laisser marcher sur les pieds, saisit sa hache de charpentier et menaça de fendre le nouveau mât. Le prix convenu fut payé. Ironie du sort, c’est justement sur le Pembroke que Charles fut embarqué pour la déportation.
La plupart des navires servant à la déportation étaient des vaisseaux de transport de bétail, modifiés pour une cargaison humaine. La hauteur de chaque pont était telle qu’il était impossible de s’y tenir debout. Le nombre de passagers empêchait que tous puissent s’étendre. La destination était inconnue des prisonniers. L’air y était irrespirable.
Le Pembroke, un voilier de 42tonneaux, avait à son bord 33hommes, 37femmes, 70fils et 92filles. Le 8décembre 1755, le vaisseau quittait l’île aux Chèvres à l’embouchure de la rivière Dauphin (aujourd’hui Rivière Annapolis), pour se rendre en Caroline du Nord.
Les autres navires du convoi, totalisant 1664prisonniers acadiens, avaient comme destinations le Massachusetts, le Connecticut, New York et la Caroline du Sud.
Sauf le Pembroke, chaque navire atteignit sa destination. Le Baltimore, un navire de guerre, dirigea le convoi de 7navires jusqu’à New York, le reste du trajet devant se faire sans escorte.
Pour éviter la suffocation, à tour de rôle, on permettait à 6prisonniers acadiens de sortir sur le pont supérieur, pour une vingtaine de minutes. Charles Belliveau planifia une surprise. Il choisit 5 des hommes les plus forts et leur expliqua ce qu’ils devaient faire. Sur le pont supérieur, lorsque l’ordre fut donné de retourner dans la cale, Belliveau et ses 5compagnons sortirent rapidement. Avant même que l’écoutille fût refermée, un acadien du nom de Beaulieu, ancien capitaine de vaisseau, homme d’une force herculéenne, assomma d’un vigoureux coup de poing, la sentinelle anglaise. Ce fut le signal de la révolte.
Les autres vinrent, par l’écoutille restée ouverte, prêter main-forte au groupe des six audacieux. En moins de deux, le capitaine et son équipage furent massacrés et neutralisés.
Charles Belliveau prit en charge le voilier qui vira immédiatement de cap. Le vent étant fort, l’ex-capitaine, encore en vie, tenta d’apeurer le nouvel équipage, en criant que le mât principal avait une faiblesse et allait briser. Le malheureux avait oublié que c’était justement ce Charles Belliveau qui avait installé ce nouveau mât.
Plusieurs capitaines acadiens, Fontaine dit Beaulieu, Belliveau et autres, prirent à tour de rôle le gouvernail.
Parti de l’Île-aux-Chèvres le 8décembre, le Pembroke déchargea sa cargaison humaine au port de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick) le 8février 1756.
À peu près au même moment, un navire anglais, flottant un pavillon français dans le but d’approcher et de faire prisonnier les Indiens alliés des Français de cette baie, avait aperçu le Pembroke. Les Acadiens mirent alors feu au vaisseau et remontèrent à pied le fleuve Saint-Jean.
Plusieurs des 32familles fugitives du Pembroke quittèrent la région, pour se rendre au Québec. Plusieurs moururent en route. La calamité s’acharnât sur ceux qui avaient réussi à atteindre la ville de Québec, car l’épidémie de la petite variole de 1757-1758 décima une grande partie du groupe. C’est cette fièvre qui tua Charles Belliveau en 1758, à la ville de Québec.
Parmi les révoltés du Pembroke, outre Belliveau et Fontaine dit Beaulieu, citons les Belliveau (Charles), les Guilbeau (Joseph), les Gaudreau (Pierre), les Dugal/Dugas (Pierre), deux familles de Granger, ainsi que les Saint-Seyne, père et fils (Denis et Jean-Baptiste-Denis) et Charles Mélançon, dont les descendants demeurent aujourd’hui dans la région Lanaudière.
Aussi, on retrouve Prudent Robichaud, qui est décédé quelque part le long de la rivière Saint-Jean due à son grand âge.
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